Kim Ji Young, née en 1982 (82년생 김지영 en coréen) de Cho Nam Joo (조남주) est un nom de livre qui doit sans doute vous être familier si vous vous intéressez à la culture coréenne. En effet, ce roman sorti en 2016 a créé une immense polémique, à laquelle sont venus se mêler bien involontairement des idols tels que Irene (아이린) de Red Velvet (레드벨벳). Ce 1er janvier 2020, il est enfin sorti dans les librairies françaises et nous vous livrons nos impressions !
L’histoire est celle de Kim Ji Young, une jeune mère et femme au foyer ordinaire dans la trentaine, qui change du jour au lendemain. En effet, à la surprise générale, elle commence à avoir des absences où elle croit être une des femmes de son entourage, comme sa mère ou un de ses vieilles amies. Le roman est divisé en six parties qui constituent autant de périodes de la vie de Kim Ji Young depuis sa naissance.
La première question qu’on peut se poser, c’est pourquoi justement un tel scandale autour de l’œuvre ? La réponse évidente serait le féminisme inhérent au roman. Kim Ji Young est en effet présentée comme une victime du patriarcalisme (NDLR : système dans lequel l’homme tient principalement le pouvoir) de sa société, que ce soit à l’école, au travail, dans ses relations familiales ou bien amoureuses. Sa “maladie” en est en quelque sorte le fruit. Son nom, le plus donné aux filles l’année de sa naissance, souligne le fait qu’elle représente une figure allégorique de la femme coréenne. Par ce biais, son histoire devient celle de toute cette classe de femmes à présent trentenaires, employées de bureaux devenues femmes au foyer.
Pour moi, lorsqu’on connaît ce contexte, lire Kim Ji Young, née en 1982 est donc une forme d’acte engagé. Il a clairement trouvé écho avec le mouvement #Metoo, en évoquant notamment le phénomène des molka (NDLR : caméra caché de femmes dans leur intimité). Néanmoins, le livre sait se faire apprécier par d’autres aspects, à commencer, tout simplement, si vous aimez les récits de vie féminins. La preuve, malgré le scandale, le livre est devenu un best-seller en Corée du Sud en se vendant à plus d’un million d’exemplaires, une première depuis Prend soin de Maman (엄마를 부탁해) de Shin Kyung Sook (신경숙) en 2009. La traduction francophone de Pierre Bisiou et Choi Kyung Ran (최경란) se laisse quant à elle facilement lire et on ne voit pas passer les 200 pages du roman.
Grâce à son succès, le livre a obtenu en 2019 une adaptation cinématographique, la première réalisation de l’actrice Kim Do Young (김도영) avec deux grands noms du milieu, soit Jeong Yu Mi (정유미) et Gong Yoo (공유). Comme pour son modèle de papier, le film a provoqué des discussions pour le moins animées dans la société coréenne. Cela ne l’a pas pour autant empêché de finir dans le top 20 des films de l’année avec plus de 3 millions d’entrées au box-office.
La bande d’annonce ci-dessous :
S’il y a bien initialement une critique de la société coréenne, il ne faut pas se leurrer sur la possibilité d’un propos universel. Par de nombreux aspects, ce ne sont d’ailleurs pas que des problèmes coréens qui ne touchent que les femmes coréennes : le plafond de verre (NDLR : expression qui sert à désigner la difficulté des femmes à accéder à des postes supérieurs dans les entreprises) et la charge mentale sont tout autant des réalités françaises. Comme le dit la quatrième de couverture “Ji Young est bien plus que le miroir de la condition féminine en Corée – elle est le miroir de la condition féminine tout court.”
Anaëlle P.