Le phénomène manhwa (만화) : quand la Corée réinvente la bande dessinée

Le manhwa (à ne pas confondre avec manhua (漫画), son compère chinois) représente une forme de bande dessinée originaire de Corée du Sud. Il partage certaines similarités avec les mangas japonais et les manhuas chinois, mais possède ses propres particularités culturelles et stylistiques qui le distinguent.

Contrairement au manga qui se lit de droite à gauche, les manhwas se lisent généralement de gauche à droite, comme les bandes dessinées occidentales. De plus, avec l’essor des plateformes de lecture en ligne, de nombreux manhwas sont publiés sous forme de webtoons, des bandes dessinées numériques conçues pour être lues en défilement vertical sur les smartphones et les tablettes. Cette singularité confère au manhwa toute sa popularité croissante, locale et mondiale.

Le style artistique du manhwa est souvent très détaillé et expressif, avec une attention particulière portée aux expressions faciales des personnages et aux scènes d’action fluides et dynamiques. Les auteurs, appelés manhwaga (만화가), mettent un point d’honneur à créer des œuvres visuellement captivantes qui enrichissent l’expérience de lecture.
L’influence de la Hallyu (한류), ou vague coréenne, a contribué à populariser ces œuvres en dehors des frontières de la Corée, séduisant un public international en quête de nouvelles histoires et d’esthétiques originales.

Un peu d’histoire

Fortement influencé par l’art classique asiatique et plus particulièrement chinois, il trouve son origine à la période Joseon (조선) où l’on peignait des portraits teintés d’humour, où la narration et la critique de la société tenaient une place importante dans les performances musicales et théâtrales.

Le premier manhwa est mis à disposition du public le 2 juin 1909, lors de la première apparition du Daehanminbo (대한민보) (journal) sous l’occupation japonaise. On y découvre les gravures sur bois du caricaturiste Lee DoYeong (이도영) dans lesquelles il représente les fonctionnaires japonais avec des têtes de singes, symbole satirique et traduisant le sentiment de révolte face à la dictature en place. Cependant, son travail ne sera diffusé que pour une durée d’un an ; le journal est supprimé et la presse devient très contrôlée par le Japon.

 

– Caricature de Lee DoYeong –


C’est en 1919 que de nouveaux titres sont publiés et que les manhwas font peu à peu leur retour dans la presse. Cinq ans plus tard, en 1924, « Les vains efforts d’un idiot » (Meongteongguri heonmulkyeogi / 멍텅구리 헛물켜기) de Noh SuHyeong (노수형) est publié dans le Chosun Ilbo (조선일보) et l’on peut y admirer les premiers codes de la bande dessinée (les cases délimitées et les bulles de parole).

De nos jours

Avec son essor à l’international, le manhwa s’est diversifié, catégorisé et spécialisé, et l’on ne compte pas moins de six types différents :
– Le Manmun manhwa (만문만화) est un type particulier de manhwa qui se distingue par sa simplicité et son efficacité. Il s’agit de manhwa en une seule case, souvent utilisée pour transmettre un message percutant ou une idée en un clin d’œil. Cette forme minimaliste permet de capturer une scène ou un concept en une image, offrant une réflexion rapide ou un moment d’humour. Bien que cette forme soit brève, elle est souvent riche en sens et en créativité, révélant l’essence même du sujet en un seul coup d’œil.
– Le Myeongrang manhwa (명랑만화) est un genre humoristique destiné principalement à un public adulte. Ils sont souvent remplis de situations comiques, de jeux de mots, et de scènes légères qui visent à divertir tout en abordant parfois des thèmes plus matures. Ce type de manhwa a pour but de faire sourire son lectorat adulte, en mêlant humour et réflexion sur des aspects de la vie quotidienne ou des sujets plus complexes, toujours avec une touche de légèreté et d’ironie.
– Le Sonyung manhwa (손흥만화) s’adresse principalement aux adolescents, équivalent du shōnen japonais. Ces récits sont souvent centrés sur l’aventure, l’action, et la quête de soi, avec des protagonistes jeunes qui évoluent dans un monde parfois fantastique, parfois réaliste. Il explore des thèmes comme l’amitié, le courage, et le dépassement de soi, captivant un jeune public avide de récits dynamiques et inspirants.
– Le Sunjeong manhwa (순정만화) est conçu pour un lectorat féminin, similaire au shōjo japonais. Ce genre de manhwa se concentre sur des histoires d’amour, de romance et de drame émotionnel. Les récits sont souvent emplis de douceur, d’émotions intenses et de personnages complexes, permettant aux lectrices de s’identifier aux héroïnes ou de rêver à travers des histoires d’amour idéalisées.
– Le Chungnyun manhwa (청년만화) s’adresse aux jeunes adultes, âgés de 15 à 30 ans, et correspond au genre seinen au Japon. Ces manhwas traitent de thèmes plus profonds et matures, des aspects complexes de la vie adulte comme les relations, le travail, et les défis personnels. Ce genre se caractérise par une narration plus sophistiquée et des sujets plus sérieux, offrant aux jeunes adultes des histoires qui résonnent avec leurs propres expériences et questionnements.
– Le Takji manhwa (딱지만화) est un genre d’aventure se déroulant en Occident, qui a connu son apogée dans les années 1950. Ces derniers sont souvent marqués par des récits d’exploration, de découvertes et de confrontations dans des paysages étrangers et exotiques pour les lecteurs coréens de l’époque. Inspirés par l’Occident, ces récits d’aventure captivent l’imaginaire en transportant les lecteurs dans des mondes lointains, pleins de mystères et de périls, incarnant l’esprit de l’aventure et de l’évasion.

Le manhwa couvre une grande variété de genres, allant de la romance au fantastique, en passant par la science-fiction, le thriller, et le drame historique. Il existe des séries pour tous les âges et tous les goûts. Certains des manhwas les plus populaires ont acquis une notoriété internationale et sont même adaptés en séries télévisées, films ou jeux vidéo.

Les manhwas adaptés en K-dramas connaissent une popularité croissante, en grande partie grâce à leur capacité à fusionner des récits visuellement captivants avec des histoires émotionnellement riches, ce qui correspond parfaitement au format télévisuel des dramas coréens. Ces adaptations offrent aux fans l’occasion de voir leurs personnages préférés prendre vie à l’écran, avec des acteurs talentueux qui incarnent les protagonistes de manière souvent fidèle aux œuvres originales.

La liste est longue mais nous pouvons tout de même citer les plus connus : Full House (풀하우스), Goong (), Cheese in the Trap (치즈 인 더 트랩) ou plus récemment, Itaewon Class (이태원 클라쓰), What’s Wrong with Secretary Kim ? (김비서가 왜 그럴까), The Uncanny Counter (경이로운 소문) et True Beauty (여신강림).

 

– Extrait de What’s Wrong with Secretary Kim ?


Les manhwas explorent également une grande variété de sous-genres qui captivent les lecteurs avec des récits originaux et souvent audacieux. De là sont nés des genres assez extravagants, pris pour la plupart aux mangas mais rendus beaucoup plus populaires par les Coréens.

Parmi eux, les manhwas Omegaverse occupent une place particulière. Inspirés par une sous-culture née de la fanfiction, ces récits se déroulent dans des mondes où les personnages appartiennent à des catégories sociales et biologiques distinctes, notamment les alphas, bêtas et omégas, et où les dynamiques de pouvoir et les relations sont profondément influencées par ces distinctions.

Le sous-genre Beastman, quant à lui, plonge les lecteurs dans des univers où les personnages possèdent des traits bestiaux, combinant souvent des aspects humains et animaux. Ces histoires explorent les thèmes de l’instinct, de la nature sauvage, et de la cohabitation entre différentes espèces.

Nous pouvons également prendre en exemple le Cakeverse, un sous-genre moins répandu mais tout aussi intrigant, qui met en scène des personnages qui incarnent des rôles sociaux liés à la pâtisserie ou à la nourriture, souvent en utilisant la métaphore culinaire pour aborder des thèmes de relations, de désir et d’identité. Les bandes-dessinées ouvrent des portes à des univers créatifs variés qui n’auront certainement jamais de limite tant les possibilités sont vastes et ce n’est pas pour déplaire aux lecteurs !

Le manhwa en France

L’évolution du manhwa en France a suivi une trajectoire fascinante, marquée par une adoption progressive mais de plus en plus affirmée. Introduits au début des années 2000 dans un marché largement dominé par le manga japonais, les manhwas ont d’abord été perçus comme une curiosité exotique quand certaines œuvres ont ensuite atteint le haut du classement et ont popularisé le manhwa en France. Des titres comme Solo Leveling (나 혼자만 레벨업) ou Tower of God (신의 탑) ont contribué à ouvrir la voie, à gagner en visibilité et en reconnaissance auprès du public français afin que d’autres puissent connaître le même succès.

En somme, le manhwa est bien plus qu’une simple bande dessinée coréenne. C’est une expression artistique riche et diversifiée qui continue de captiver un public international. En France, sa popularité croissante témoigne de l’attrait des lecteurs pour des récits visuellement innovants et narrativement riches. Qu’il s’agisse des histoires intrigantes des webtoons ou des adaptations en K-dramas à succès, le manhwa s’affirme comme un acteur incontournable dans le monde de la bande dessinée. Alors que de nouveaux genres émergent et que les frontières de l’imagination s’étendent sans cesse, le manhwa promet de continuer à séduire et à surprendre, offrant un espace d’exploration infini pour les auteurs et les lecteurs du monde entier.

Sources : southwind7, soonkki (Blog Naver), Anime News Network, meow91__, Lambiek, eunhi_9096, @KER_NIM

Publication : 09/09/2024

Mégane B.