Shim Chong, fille vendue : sur les flots d’une vie de femme

Il est des récits que l’on oublie pas. Ces 400 pages en font partie et ne vous laisseront pas indifférent.e.s. Voici l’histoire de Shim Chong, fille, concubine, amante, mère mais surtout femme.  

HWANG Sok-Young (황석영) est un auteur coréen qu’on ne présente plus. Né en 1943, il est connu pour ses textes très engagés politiquement. Sa vie est, elle aussi, à l’image de cet engagement : incarcéré plusieurs fois, il écrit des textes imprégnés de l’Histoire de la Corée. 

Shim Chong, fille vendue (심청, 연꽃의 길) est d’abord un conte traditionnel coréen. Il raconte la vie de Chong, orpheline de mère, dont le père aveugle est contraint à mendier pour la nourrir. A 12 ans, elle est vendue à des marchands par sa belle-mère comme offrande pour un rite censé soigner les yeux de son père. Elle sera ensuite sauvée par le roi Dragon qui tombera amoureux d’elle. Ce dernier retrouvera le père de Chong qui, par bonheur d’être à nouveau avec sa fille perdue, recouvre la vue. 

L’œuvre de HWANG Sok-Young garde la même trame, mais sa version est bien moins édulcorée. Il nous immerge au cœur de l’histoire en commençant par la réincarnation de l’héroīne. Il y est décrit une Chong qui meurt seule, dans les ténèbres dont elle ressortira sous un nouveau nom : Lenhwa. Après quoi, à son arrivé en Chine et plus précisément à Nankin, elle sera vendue comme concubine à un vieillard qui cherche à prendre un peu de sa jeunesse à travers des pratiques essentiellement charnelles. Les scènes de sexe y sont assez crues mais participent à la richesse du texte. En découvrant ses propres désirs, Lenhwa se découvre femme mais sait aussi, au fil du temps, s’en servir comme d’une arme pour survivre. A la mort du vieillard, Lenhwa est promise à une vie recluse au fin fond de la demeure, mais c’est sans compter sur l’intérêt que lui porte le fils cadet du vieillard. Elle quittera avec lui sa vie de veuve et rentrera dans la maison de plaisir de celui-ci. Belle et modeste, elle saura utiliser ses atouts de femme et deviendra une courtisane très prisée. Lenhwa connaîtra l’amour, la trahison, l’amitié mais aussi beaucoup de  souffrance. 

Contrainte toute sa vie de vendre son corps, parfois traitée comme un simple objet, elle connaîtra le travail à la chaîne dans des conditions sordides. Elle aurait pu à tout moment perdre la face, mais courageuse comme un bataillon de 1 000 soldats, Lenhwa n’aura qu’une ambition : s’en sortir par elle-même et ne compter sur personne d’autre. Partie très jeune de Kaoli (Corée), elle traversera toute sa vie une multitude de pays, dans une époque où tout change. Elle sera tour à tour prostituée, compagne, geisha et mamasan (geisha supérieure). Mais elle n’en oubliera pas pour autant son humanité, toujours fidèle et reconnaissante à ceux qui comptent pour elle.  

Rappelons que l’histoire se déroule à la fin du XIXème siècle. Le travail de recherche de l’auteur est vraiment étonnant. Il nous permet par ses détails d’avoir un repère historique pour se sentir baigner dans l’intrigue. Dans cette époque de la guerre de l’opium et de l’intrusion des pays occidentaux dans les pays orientaux, tout est bousculé. A l’heure où tout se modernise, Chong, elle, restera très traditionnelle. Partie trop jeune de Corée pour traverser plusieurs pays, elle ne se sentira vraiment à sa place nul part. Elle portera pourtant une grande importance aux traditions. On retrouvera donc parfois des références à certaines croyances (aussi bien chinoises que coréennes).  

Ce livre est une vraie surprise : à chaque fois que l’on pense qu’il ne peut rien arriver de pire, l’auteur nous prouve que tout est possible. Mais il y a quand même beaucoup de bons moments qui donnent un rythme très intéressant à l’histoire. La seule chose que vous voudrez à chaque fin de partie, c’est d’en connaître la suite.  

Ce roman est une ode à la femme en nous montrant sa condition à cette époque. Nous découvrons la force d’une femme qui utilise son corps pour gagner du pouvoir, et qui n’oublie pas pour autant dans son combat de s’occuper de ses paires moins chanceuses qu’elle.  

Ce que je retiens de ma lecture ? Un texte fort dans lequel chaque femme peut se reconnaître. Femme habile, parfois fragilisée par la vie mais capable du meilleur avec le plus grand courage. C’est une histoire qui rend fière de son histoire personnelle mais également culturelle. C’était un vrai plaisir de lire ce livre – ce qui a été à l’origine de plusieurs nuits blanches pour ma part. 

Si vous ne l’avez pas encore lu, je vous le conseille vivement. C’est l’un des voyages les plus marquants de mes lectures. 

Vous hésitez encore ? Laissez-vous tenter par un extrait offert par les éditions Zulma (ici

 

Alors sur ce, bonne lecture et bonne découverte féminine.   

Retrouvez également un autre de mes coup de cœur féminin :  Voyage initiatique avec Bari

  

Sources et crédits photos : www.zulma.fr

Valérie-Anne RTM

 

 

 

 

 

 

 

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