Depuis un an, la pandémie a envahi notre existence et changé la plupart de nos habitudes. Parmi ceux qui ont vu leur quotidien bouleversé, on retrouve les étudiants : cours difficiles en ligne voire tout simplement annulés, ou encore isolement dans des résidences universitaires et des studios exigus. Qu’en est-il dans la péninsule coréenne, vantée pour sa gestion de la crise ? Des Français qui étudient en Corée du Sud vous livrent leurs impressions.
- Pouvez-vous vous présenter rapidement ?
Alex : J’ai 22 ans. Je viens de la région de Toulouse mais j’étudie en Allemagne à Heidelberg dans un master sur les études transculturelles avec une spécialisation sur la Corée. Je suis en échange pour deux semestres à Seoul National University (서울대학교) dans la Graduate School of International Studies. J’habite dans un goshiwon (고시원) [NDLR : un mini studio sans caution dont le loyer est peu cher et comprend toutes les factures] à côté de mon école.
Elsa : J’ai 19 ans. Je suis originaire de Vendée dans les Pays de la Loire. J’ai commencé ma licence de média et communication à Korea University (고려대학교) en septembre dernier. Je vis actuellement dans les dortoirs de mon université mais je vais bientôt déménager dans un appartement pour le reste de mes études.
Norman : J’ai 23 ans. Je suis originaire de Périgueux mais j’étudie aux Mines de Saint-Etienne en ingénierie (informatique et finance). Actuellement, je suis en double diplôme à SNU [NDLR : acronyme de Seoul National University très souvent utilisé] et je loue un appartement dans le quartier de mon université.
Manon : J’ai 22 ans. Je viens de Nantes mais j’étudie en région parisienne à l’Université de Gustave Eiffel. Je suis partie en Corée dans le cadre d’un échange universitaire avec mon master pour un double diplôme. Un master Cultures et Métiers du Web en France et un Master de Cinéma dans l’université Dong Eui (동의대학교) à Busan (부산) en Corée du Sud. Je suis rentrée il y a peu mais je vivais dans mon propre studio tout près de la fac !
- Pourquoi avez-vous choisi d’étudier en Corée du Sud ?
Alex : C’est avant tout parce que mes études se focalisent sur la culture et l’histoire coréenne. Cet échange est la raison principale pour laquelle j’ai choisi de faire mon master dans une université allemande.
Elsa : La première fois que je suis venue en Corée, j’avais 16 ans. Je venais de finir ma seconde et j’ai décidé de passer mon année de première en tant qu’étudiante en échange dans un lycée coréen. Ca m’a beaucoup plus alors j’ai voulu réitérer l’expérience.
Norman : J’étais intéressé par l’aspect hyper technologique de la Corée du Sud, mais c’est surtout parce que Seoul National University était un des meilleurs partenariats de mon école.
Manon : Je n’ai pas vraiment choisi, c’est plutôt la Corée du Sud qui est venue à moi ! Le double-diplôme n’existait pas avant donc ce partenariat avec cette université en Corée du Sud est tout nouveau. En revanche, dans le cadre de mon master je savais que j’allais partir 2 semaines lors de mon M2 dans le cadre de la réalisation d’un documentaire en coordination avec les deux masters de chaque université. C’est un partenariat qui existe depuis plusieurs années déjà. En revanche, j’étais vraiment super contente d’apprendre que j’avais l’opportunité non pas de partir deux semaines mais un an pour étudier.
- Est-ce que préparer votre dossier pour partir a été plus compliqué en raison de la COVID ?
Alex : Pas de soucis en particulier car le consulat n’était pas loin. Mais il faut préciser que j’ai fait toutes les démarches en Allemagne.
Elsa : Oui, je trouve que ça été nettement plus compliqué, et ça l’était déjà beaucoup ! À cause du confinement, je n’ai pas pu obtenir les rendez-vous professionnels qui pouvaient me fournir les papiers nécessaires pour mon arrivée en Corée. La poste a également pris du retard et j’ai dû demander une extension de la date limite pour les inscriptions. Heureusement que j’avais pris de l’avance !
Norman : Je n’ai pas eu de gros problèmes. À vrai dire, le délai dû à la COVID m’a permis de préparer encore mieux mon dossier.
Manon : Je suis arrivée pile un jour avant le tout premier cluster en Corée du Sud alors je n’ai pas eu de soucis concernant les visas, la quarantaine ou quoi que ce soit niveau administratif !
- Avez-vous rencontré des difficultés pour trouver un avion ou un logement ?
Alex : Surtout pour le logement de quarantaine. Les mesures n’étaient pas claires et j’ai rencontré beaucoup d’avis différents. Le goshiwon a été la solution la plus simple. On pouvait rester après la quarantaine et donc pas besoin de déménager.
Elsa : Il a été un peu compliqué de trouver un logement pour deux semaines avec un propriétaire qui acceptait les quarantaines, mais j’ai fini par en trouver un. Mon avion a également été avancé, mais à part ça, je n’ai pas eu de soucis.
Norman : Aucun problème, mais c’est parce que j’avais la chance d’avoir déjà des contacts sur place.
Manon : J’ai eu la chance d’avoir un contact à Busan qui a recherché un appartement pour moi et qui m’a mis en lien direct avec l’agent immobilier.
- Comment avez-vous vécu la quarantaine ? Quel est votre avis dessus ?
Alex : La quarantaine n’était pas trop compliquée parce qu’on avait déjà eu les deux mois de confinement en France : deux semaines à côté, ce n’était pas très long. Le goshiwon était également bien organisé (quelqu’un nous apportait de la nourriture midi et soir). Et puis, il faut dire que j’étais tellement contente d’arriver en Corée après toutes ces démarches…
Elsa : Les premiers jours, je me suis demandé comment j’allais faire pour tenir deux semaines enfermées dans mon Airbnb à Séoul, mais finalement j’ai mis en place une routine saine et tout s’est bien passé. Je pense que les Coréens ont pris très au sérieux la quarantaine et je n’ai rien à redire là-dessus.
Norman : La quarantaine dans 10 mètres carrés c’est long mais après tout, c’est comme ça que la Corée arrive à contenir globalement l’infection donc je n’ai rien à redire là-dessus.
Manon : Je n’ai pas vécu la quarantaine. Par contre, je me souviens m’être auto-confinée pendant presque trois semaines après mon arrivée. C’était davantage la peur qui nous animait à ce moment-là car la Corée du Sud était considérée comme l’un des principaux foyers de la COVID. Ce qui a vraiment été difficile pour moi a été de trouver des masques. Je n’avais pas le droit d’en acheter en pharmacie, je n’avais pas la possibilité de commander sur Internet et aucun masque n’était trouvable alors j’ai du me débrouiller avec un masque en tissu pendant plusieurs semaines.
- Comment votre université coréenne gère-t-elle la crise sanitaire ?
Alex : La situation m’a l’air d’être pas mal sous contrôle à SNU. On doit mettre un QR code ou écrire son nom à l’entrée de chaque bâtiment, ce qui permet de retracer le trajet de chaque personne de manière précise. Les distanciations sociales en général sont bien respectées, beaucoup de cours restent en ligne (à l’exception des cours en petit groupe) tout comme les examens.
Elsa : Tous les cours sont en ligne à Korea University, mais on a tout de même accès aux infrastructures de l’école comme la cafétéria et la bibliothèque. Néanmoins, les gens de l’extérieur ne peuvent plus rentrer car il faut une carte spéciale.
Norman : Les cours sont en ligne mais les infrastructures restent disponibles pour les élèves. Je dois par exemple me rendre à mon laboratoire de recherche pratiquement tous les jours.
Manon : Mon université a supprimé toute vie universitaire sur les deux semestres de 2020. Ensuite elle a testé plusieurs méthodes en fonction des directives du gouvernement. Ce qui est le plus resté, c’est scanner un QR code à l’entrée de chaque bâtiment puis vérifier sa température et évidemment porter un masque tout le temps. J’ai eu très peu de cours en ligne car nous n’étions que sept dans mon master et nous pouvions mettre en place les mesures de distanciation sociale assez facilement
- Rencontrez-vous actuellement des gênes dans votre vie quotidienne à cause de la pandémie ?
Alex : Le fait de rester à l’intérieur est un peu frustrant quand on est venu en Corée. Avec les nouvelles mesures de distanciation sociale, les cafés et d’autres infrastructures sont fermés. C’est embêtant mais je comprends pourquoi c’est mis en place. C’est obligatoire si on ne veut pas que la situation devienne pire.
Elsa : Je pense que la gêne principale est de ne pas pouvoir vivre normalement et rencontrer ses professeurs ou/et camarades de classes. Comme c’est ma première année d’étude dans le supérieur, je trouve très dur de ne pas être entourée des personnes que je connais.
Norman : À part le “couvre-feu” de 21 heures et la restriction à quatre personnes qui limitent un peu les soirées le week-end, rien à signaler [NDLR : mesures mises en place dans toute la péninsule jusqu’au 17 janvier].
Manon : La vie quotidienne est complètement chamboulée. Déjà je n’ai pu assister à aucun événement en un an, que ce soit festivals, vie universitaire etc. Les rencontres ont été très limitées pour ma part. Je n’ai pas eu l’occasion de partager avec les autres étudiants étrangers de mon université par exemple.
- Avez-vous dû décaler des projets, comme des voyages sur place, à cause de cela ?
Alex : Pas vraiment car, avec les cours, j’avais tout repoussé à fin décembre. Mais la situation peut être différente pour les gens qui restent moins longtemps.
Elsa : Non, les quelques petits voyages que je voulais faire ont été réalisés avec succès.
Norman : Mon arrivée a été décalée d’un mois mais sinon rien.
Manon : Ce qui a été le plus difficile pour moi c’est de faire une croix sur le Festival International du Film de Busan puisque c’était l’événement que j’attendais le plus en venant étudier le Cinéma en Corée du Sud. Néanmoins je m’estime toujours très chanceuse d’avoir vécu l’année 2020 en Corée du Sud car je n’ai vécu aucun confinement ni couvre-feu et je me sentais en sécurité la plupart du temps. En ce qui concerne les voyages, oui évidemment je n’ai pas voyagé autant que je l’aurai voulu. Mais c’était également par manque de temps dû à la charge de travail de mon université ! J’ai quand même pu visiter quelques villes et j’ai absolument adoré vivre à Busan.
- Regrettez-vous d’être parti.e en Corée du Sud pour vos études ?
Alex : Pas du tout. C’est la meilleure décision que j’ai prise. En contexte de pandémie, la Corée du Sud s’est mieux débrouillée que d’autres pays. On pouvait continuer à sortir, mais personne ne relâchait son attention pour autant. J’apprécie également l’atmosphère coréenne. On se sent à la maison et tout est fait pour faciliter la vie aux gens (convenience stores, restaurants,…). J’ai beaucoup aimé pouvoir parler coréen tout le temps, ça m’a permis de m’améliorer dans mon apprentissage de la langue. C’est vraiment enrichissant.
Elsa : Absolument pas ! C’était un choix judicieux sur plein de points : améliorer mon anglais et mon coréen, faire une licence que j’apprécie et me créer un réseau pour le futur.
Norman : Évidemment aucun regret !
Manon : Je ne regrette absolument pas d’être venue étudier en Corée du Sud ! Évidemment j’aurais peut-être préféré partir un an avant si j’avais pu choisir, mais dans l’ensemble je n’en tire que du bon et ça a vraiment été une très bonne expérience !
Anaëlle P.