Interview : être photographe française expatriée en Corée du Sud

Envie d’évasion, de futurs projets ? Vous avez envie de changer de vie ? Et si on s’expatriait…? La Corée attire de plus en plus d’expatriés francophones. C’est une destination de choix tant au niveau culturel que pour un cursus universitaire, mais aussi pour la recherche d’une expérience professionnelle à l’international. 

Nous retrouvons Tiffany Boubkeur qui nous partage son expérience d’expatriée en Corée du Sud. Tiffany a été un coup de foudre amical. Nous nous sommes rencontrées sur Instagram et je souhaitais vous la présenter afin de relater au mieux son expérience en Corée – qui va très certainement vous inspirer – mais aussi afin de vous faire découvrir une belle personne et une photographe mode exceptionnelle. 

Pour en voir plus : 

Instagram : @detailswithtiffany

Blog : https://tiffanyboubkeur.com

Profil de Tiffany Boubkeur

Prénom : Tiffany

Profession : Photographe mode et voyage, et travel planner spécialisée sur Séoul et Singapour.

Pays et ville d’origine : France, Paris

Pays et ville d’accueil : Corée du Sud, Seoul

Nombre d’années, mois en expatriation : 1 an

 

Peux-tu te présenter en quelques lignes ?

Hmmm, je dirais rêveuse et passionnée qui déteste la routine. 

J’ai pris le parti il y a quelques années maintenant de privilégier le “slow travel”, en étant digital nomad. C’est plus facile, je le conçois. Dès que je prends un vol long courrier, c’est pour rester au minimum 3 mois dans le pays. 

Depuis 2015 j’ai “vécu” plusieurs mois au Maroc, à Puerto Rico et à Tokyo. Et aujourd’hui, c’est Séoul. 

Le slow travel est un tourisme lent, il fait partie de la famille du tourisme durable, différent du tourisme traditionnel et mettant l’accent sur une plus grande conscience personnelle du tourisme. 

 

Tiffany Boubkeur

 

L’arrivée et l’installation 

Tout d’abord et tout simplement pour la première question : pourquoi la Corée du Sud ? 

Je n’ai pas eu de raisons particulières de me rendre à Séoul. J’ai vécu à Tokyo il y a quelques années et j’avais tout simplement une envie irrésistible de repartir. En parlant un peu autour de moi, la Corée du Sud s’est retrouvée plusieurs fois dans la conversation puis est devenue le cœur du sujet. Personnellement, je n’avais jamais songé à la mettre sur ma liste de lieux à visiter. Puis de fil en aiguille, je me suis laissée convaincre, pourquoi pas ! 

J’aime bien changer d’avis sur les voyages, on a souvent de belles surprises. Mon expérience à Singapour en était la preuve ! En me renseignant un peu plus sur la Corée du Sud, j’ai pu découvrir que le pays propose le PVT (permis vacances travail). Cela m’a donné l’occasion de rester un an sur le territoire assez facilement. 

Quels sentiments as-tu ressentis lors de tes premiers pas en Corée du Sud ? 

Mes premiers pas, c’était en novembre 2021. Avant ma demande de PVT, je suis partie en Corée du Sud durant 3 mois. À cette époque-là, nous étions encore en plein dans la pandémie, toute l’histoire de la covid-19 n’était pas encore terminée. Pour tout vous dire et pour être totalement transparente avec vous, les premiers jours, j’ai été déçue ! J’avais quelques idées et images en tête qui se sont vues être totalement fausses ! En effet, aujourd’hui je ne vous dirais pas : “la Corée du Sud vit dans le futur”, “c’est le pays le plus propre du monde”, “les gens sont hypers respectueux et serviables”… Tout simplement, parce que non ! C’est faux, ce sont des idées reçues. Du moins, la Corée du Sud ne ressemblait pas à ce que j’avais l’habitude d’entendre ou à celle qu’on peut nous dépeindre en France. Au tout début, j’hallucinais :  des rues sans trottoir, une ville sans poubelle, des gens pressés qui te poussent dans tous les sens. À ce moment-là, je me suis dit “mais Séoul c’est le Paris d’Asie en fait”. 

Après, c’est comme pour n’importe où, il faut partir sans a priori et avec l’envie de laisser tes filtres derrière toi. Comme je ne savais pas à quoi m’attendre avec Séoul, je comparais avec ce que je connaissais, notamment Singapour que je venais de quitter, Tokyo où j’avais vécu, et enfin Paris d’où je viens… La comparaison, ce n’est jamais la bonne technique pour appréhender un nouveau lieu. Alors non, pour être franche avec vous, au début Séoul n’a pas été un coup de foudre. J’ai vraiment dû apprendre à aimer cette ville. 

Comme nous pouvons nous en apercevoir en France, les démarches administratives sont parfois longues et fatigantes… Comment cela se passe-t-il en Corée ? Quelles démarches administratives as-tu faites pour vivre en Corée ? 

Pour moi ça a été relativement simple étant donné que je suis venue en PVT. Je pense que c’est le visa le plus simple à obtenir pour y rester sur une durée assez longue. Les démarches sont assez rapides. 

Après ton installation, as-tu ressenti un choc culturel ? 

Comme je vous le disais, au début, je suis arrivée avec quelques idées reçues mais je n’ai pas ressenti de choc culturel. En fait, je voyais Séoul un peu comme Paris, ça reste une mégalopole. 

Est-ce qu’il t’a fallu une longue phase d’adaptation ? 

Je ne sais pas si, en tant qu’étranger, on s’adapte réellement complètement quand on s’expatrie. Disons que certaines démarches du quotidien deviennent plus simples au fil du temps. Après je ne me suis sentie “mal à l’aise” qu’une poignée de jours. Je m’adapte plutôt rapidement. 

 

La vie quotidienne

Une question très importante : la nourriture et la restauration. Comment considères-tu la nourriture coréenne et ce qui l’entoure (moments de convivialité, entre amis, pour le travail) ? 

Un mot  : j’adore ! J’en suis surprise d’ailleurs, étant donné qu’il n’y a pas un plat qui ne soit pas épicé ici. Et en France, je ne supporte aucune épice, même les douces ! Bizarrement, ici ça passe plutôt bien…à quelques exceptions près. Parfois, après une consommation quotidienne de piment et d’épices, mon estomac se sensibilise et je dois faire un break.

Niveau convivialité, ici également ça fonctionne beaucoup à base de partage de plats : un gros plat pour la tablée ou plusieurs plats, on se sert tous puis on mange dans nos petites assiettes. À noter que la plupart du temps, niveau contenu, un plat qui se partage fait la taille d’un plat que nous on mange seul. Du coup, parfois, tu as un peu l’impression de passer pour une goinfre quand tu en commandes un pour toi toute seule.

Une question qui intéresse particulièrement notre portefeuille : le prix de la vie est-il élevé en Corée ? 

OUI ! D’ailleurs, un classement des villes aux coûts de vie les plus élevés au monde est sorti il n’y a pas longtemps et Séoul est placée 9ème ! En tant que touriste quand tu vois qu’un resto te revient à 6€ environ pour un vrai repas, ça ne parait pas cher du tout. Mais lorsque l’on se penche sur le coût des loyers et des courses, des transports etc., c’est une toute autre histoire. 

C’est également un thème qui revient souvent : la sécurité. Est-ce que la Corée est un pays plutôt safe ? Comment te sens-tu en tant que femme étrangère dans ce pays ? 

Alors pour moi, il y a débat. C’est dangereux en soi de dire que c’est l’endroit “le plus safe (sécurisé) au monde”, simplement parce que tu ne vas plus faire attention à rien et finir par croire qu’il n’y a aucun crime. Il faut penser aussi au fait que ce n’est pas parce qu’on n’en parle pas, qu’il n’y en a pas. Et il faut bien se dire que la rétention d’information joue un grand rôle dans cette impression de sécurité totale. En Corée du Sud, il y a les cctv (caméras de sécurité) qui rassurent. Elles scrutent absolument toute la ville sans laisser d’angle mort. Ca fait du bien puisque tu te sens beaucoup plus en sécurité qu’à certains endroits en France, je ne dirai pas le contraire. Mais il faut tout de même faire attention. J’ai aussi pu remarquer que, par exemple, tu ne vas pas t’inquiéter de rentrer tard, de prendre les transports en soirée ou la nuit. Dans la rue, tu es pour ainsi dire ignorée, il n’y a pas de regards insistants en mode bout de viande, merci les gars ! Pas de harcèlement et la plupart du temps, tu peux même te permettre de laisser tes affaires sans surveillance dans des lieux publics – même si clairement, je ne recommande pas. 

Mais oui dans l’ensemble on vit avec un sentiment de sécurité ici.

As-tu le temps de faire des loisirs, quelques visites et du tourisme ? 

J’ai pris le temps de visiter Séoul de fond en comble, et malgré tout, je faisais des découvertes à chaque nouvelle sortie ! Ça bouge super vite ici, cette ville est littéralement vivante. J’ai également visité Incheon, Suwon puis Busan et Tongyeong. Je n’avais pas spécialement dans l’optique de faire du tourisme. En arrivant ici, j’avais surtout en tête de construire ma vie idéale. 

Tiffany Boubkeur

Les transports en communs sont assez développés en France, qu’en est-il en Corée ?

Niveau métro, c’est parfait ! Pour les bus également, sauf quand tu sors des grandes villes… Dès que tu es dans une plus petite ville, tu te retrouves parfois avec des horaires de bus aléatoires et des attentes de 40 minutes si tu loupes ton bus. 

Comment fonctionne le système de santé en Corée ? 

Aucune idée, je suis arrivée avec une assurance française pour me couvrir sur tout le séjour. (Obligatoire pour le PVT.)

 

Vivre en Corée 

Ce qui t’a plu ? Et ce qui t’a déplu ? 

Séoul. L’ambiance de la ville, son aura, la personne que je suis devenue grâce à elle. Les rencontres. Parfois j’ai du mal avec la logique des Coréens qui est très différente ! Mais si je fais la balance, j’aime vraiment vivre ici.

Le côté psychologique : mal du pays ? Y’a t’il des choses de la France qui te manquent ? 

Sans hésitation : les pâtisseries, le pain, le fromage. J’ai eu un petit coup de blues au cœur de l’hiver mais dans l’ensemble je crois que je suis trop occupée ici pour vraiment y penser. Et puis je sais que je rentre dans pas longtemps. Je pense surtout que j’aurai le mal de Corée quand je serai rentrée, Séoul a vraiment marqué ma vie.

Qu’en est-il de la barrière de la langue ? L’apprentissage est-il difficile ? Les Coréens parlent-ils anglais ? 

Aaaah c’est quelque chose. Les Coréens ne parlent pas vraiment anglais. S’ils ne maîtrisent pas, ils préfèrent ne pas tenter pour la plupart. Mais dans l’ensemble, ils essaient malgré tout. Les bases du coréen sont assez abordables. Mais ça se complique très vite et personnellement, je n’ai pas eu assez de cours, ni travaillé assez pour avoir atteint un quelconque niveau. Un jour peut-être !

Comment les Coréens perçoivent les étrangers de manière générale ? 

Je ne sais pas trop. Je dirais comme partout, il y a des gens qui ont l’air curieux, d’autres excédés et d’autres qui sont ravis. 

Peux-tu essayer de nous présenter les mentalités auxquelles tu as eu affaire depuis ton installation ? Mentalité en général, envers les femmes, les enfants, les personnes âgées, etc.

C’est assez compliqué à expliquer, mais disons qu’en parlant avec de jeunes locaux, on sent le tiraillement entre le côté ultra conservateur du pays et la volonté d’évoluer. On m’a demandé pourquoi “je détestais autant que ça mon pays” quand je disais qu’après la Corée, je continuerai sûrement mon voyage parce que je n’avais pas envie de rentrer tout de suite. Je pense que ça vient du nationalisme et aussi du fait que pour l’instant, peu d’entre eux voyagent réellement, ailleurs qu’à Jeju ou au Japon. Puis un jour, on m’a dit que j’étais conservatrice quand j’expliquais que “faire une chaîne youtube de vlog de voyage dont le principe est : un nouveau lieu = une nouvelle copine ou “une copine différente dans chaque lieu” ça ne se fait pas ! C’est irrespectueux pour les filles, parce que ce sont des êtres humains avec des sentiments.”. 

Bref il y a encore de l’évolution avant qu’ils arrivent à l’ouverture qu’on a atteint en Europe. La Corée du Sud est un pays encore très conservateur. 

Tiffany Boubkeur

Le travail 

Peux-tu nous présenter ton travail ?

Actuellement, je suis photographe mode et voyage. Je travaille en partenariat avec Getty Images (une agence photographique) pour le côté mode. Je propose également des shootings sur Séoul pour immortaliser le voyage de personnes de passage ou même vivant ici. 

Je suis également travel planner (@detailsdevoyages), c’est-à-dire que je prépare les plannings de voyage et les itinéraires pour les voyageurs le désirant. Je fais les recherches, propose les meilleures activités et adresses selon le profil du/des voyageurs. Ensuite avec toutes les données que j’ai rassemblées dans un carnet de voyage, ils n’ont plus qu’à réserver et suivre leur programme le moment venu. Tout cela s’est fait plutôt naturellement. Au cours des shootings, on me demandait des adresses, des idées d’activités, de lieux à voir et j’avais toujours la perle qui correspondait parfaitement aux attentes des gens. Ca m’a donné envie d’aller plus loin. Pour l’instant, je reste spécialisée sur Séoul que je connais bien maintenant puisque c’est devenu ma maison ; et Singapour, cité pour laquelle j’ai eu un énorme coup de foudre, que je connais très bien également et où j’ai de nombreux contacts avec des locaux.

Peux-tu nous parler du monde du travail en Corée du sud : recherche, ambiance… Est-il facile de trouver du travail en Corée en tant qu’étranger

Je pense que ça dépend beaucoup de l’entreprise et du type de travail. Si on cherche un travail dans la lignée de nos études pour rester et s’installer, c’est plutôt compliqué de trouver car ils vont privilégier les locaux. Après si on cherche plutôt un petit travail “alimentaire”, il suffit de se rendre sur Craigslist et on trouve assez facilement. C’est ce que j’ai fait parce que je suis arrivée ici avec assez peu d’économies, j’avais donc besoin de sécuriser le loyer. 

On te laisse la parole…

Séoul est une ville vraiment extraordinaire ! La Corée du Sud est un pays qui mérite d’être découvert. Mais par pitié, arrêtons avec les clichés qui tournent sur les réseaux sociaux. Ca porte plus préjudice à ce pays qu’autre chose. 

Et à tous ceux qui veulent venir découvrir le pays du matin calme, prenez le temps d’aller découvrir ses trésors cachés. Les lieux touristiques c’est bien, ça fait partie du patrimoine. Mais ce pays est une exception ! Il se dévoile réellement quand vous sortez des sentiers battus. Un peu à l’instar de sa population, il faut regarder sous la façade publique pour découvrir sa véritable valeur ! Et croyez moi vous ne serez pas déçus, ça en vaut mille fois la peine.

Tiffany Boubkeur

 

06/07/2023 Céline Di Bartoloméo